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PHAYOUN  (1938 - 2001)

 

Témoignage écrite par Phayoun en 1979 :

 

Je m'appelle Chanmongkhon Phayoun. J'ai 39 ans. Je suis né dans Battambang, l'une des provinces cambodgienne à la frontière de la Thailande. J'y passe toute mon enfance et j'y effectue ma scolarité primaire et secondaire. Ensuite, j'entre à la faculté de pédagogie de Phnom-Penh, de laquelle je recois le diplôme d'instituteur. En 1961, je me marie. De 1961 jusqu'en 1975, j'enseigne à l'école primaire. En 1970, Lon Nol renverse la monarchie du prince Sihanouk. Durant les dernières année de cette période commence une crise économique qui devient de plus en plus importante avec une hausse des prix. Avec l'aggravation de la crise en 1975, les fonctionnaires se retirent dans les villes de plus en plus assiégées par les Khmers rouges (K.r.=communistes cambodgiens) qui engagent toujours plus de terrain. Les militaires qui étaient alors au pouvoir commencent à fuir à l'étranger.

 

En avril 1975, les K.r. prennent le pouvoir. Une répression très sanglante commence. Tous les officiers sont réunis pour une soi-disante conférence. Ils ont alors été déportés dans une plaine, encerclée par des soldats, et massacrés. Le même sort est réservé aux hauts fonctionnaires, aux médecins, aux professeurs et à beaucoups d'instituteurs. Ceux qui restent dans la population non communistes qui se sont réfugiés dans les villes sont contraints de se rendre dans leur village natal et ceci à pied parcourant parfois de très longues distances. En effet, les K.r. ont confisqué toutes les voitures, les tracteurs, les motos, les vélomoteurs et les bicyclettes. Même les personnes âgés et les malades doivent partir et beaucoups meurent en chemin. Je pars également dans mon village natal avec ma femme et mes six enfants. Les coups de feu de tous les côtés nous accompagnent et parfois poussent les gens à dépasser leurs vitesses convenables.

 

Le riz devient de plus en plus rare :

 

Il est désormais interdit de sortir des limites du village. Les animaux quelques boeufs, buffles, cochons, coqs, poules et canards sont mis en commun, ainsi que la réserve de riz. Avec ce riz, qui est le capital de départ, il faut nourrir toute la population du village pour l'année en cours et semer pour l'année suivante, ainsi de suite ... Si dans le village le riz n'est pas suffisant, les gens meurent de faim car il n'y a pas d'autres nourritures : c'est l'ordre des communistes au pouvoir. Les habitants doivent réfléchir ensemble à la survie. pour mieux économiser le riz, ils font cuire pour l'ensemble de la population deux fois par jour une grande marmite de soupe de riz. Au fur et à mesure que les semaines s'écoulent, la quantité de riz dans la soupe doit être diminuée. Nous mélangeons dans cette soupe quelques légumes à la place du riz. Il n'y a jamais de viande, ni de poisson. Pendant ce temps-là, nous maigrissons et nous devenons faibles. Je suis le premier dans mon village à attraper la malaria. Dans tous les villages commencent à répandre des épidémies : choléra, dysenterie, et d'autres ... Les médicamants manquent. Trois de mes enfants meurent.

 

On doit former des coopératives :

 

Les K.r. choisissent dans chaque village un chef qu'ils imposent et qui peut faire tuer qui il veut. Mon beau-frère a été tué parce qu'il était en désaccord avec le chef. Chaque jour et chaque nuit, nous sommes surveillés. Ceci dure jusqu'en 1977. En cette année-là tous les villages sont détruits. On doit alors former des coopératives de 1'000 familles au moins chacune. Ces coopérativent sont numérotées. Tout se fait en commun. Il y a un chef qui est choisi dans la population par les K.r. leur 1er choix tombe presque toujours sur celui qui était avec eux avant leur victoire. A cette époque commencent les travaux forcés. Si les exigences des contrôleurs ne sont pas satisfaites, on risque de se faire emprisonner ou tuer. Même les malades et les vieillards doivent travailler. J'attrappe une deuxième fois la malaria. Je suis incapable de travailler. Heureusement, un des soldats m'a permis d'être hospitalisé, dans un hôpital sans médicaments, réservé normalement aux communistes, et je guéris.

 

Les Vietnamiens arrivent :

 

Le 5 janvier 1979, les Vietnamiens entrent au Cambodge, avec leurs armements très puissants dont les chars d'origine soviétique et font fuit les K.r. dans les forêts. La population des coopératives se divise. La plupart rejoint les Vietnamiens. Les autres, comme-moi, n'ayant plus aucun moyen d'existence, rejoint ce qui reste du village natal. Les Vietnamiens patrouillent sur la route pendant le jour, mais n'entrent pas dans les forêts. Durant la nuit, ils ne se manifestent pas, mais les K.r. encerclent les villages et chasse la population dans les forêts. Tous les villageois sont obligé de partir, sinon ils sont massacrés. Contra ma volonté, je dois donc partir à nouveau avec ma famille. Nous arrivons dans un village abandonné, éloigné d'une dizaine de kilomètres de mon village natal; il y a 4'000 personnes sur places. Les K.r. se réorganisent. Nous ne pouvont pas toucher à notre première récolte de riz, car les Vietnamiens arrivent. Je dois m'enfuir à nouveau avec ma famille, dans la forêt jusqu'à la frontière thailandaise. 

Durant cette fuite, nous mangeons des racines, des feuilles, car il n'y a rien d'autre. Il existe aussi le danger de tomber dans un piège ou de sauter sur une mine.

 

Je traverse la frontière :

 

Arrivés à la frontière, poussé par les K.r. nous sommes toujours poursuivis par les Vietnamiens. Je décide de traverser clandestinement la rivière avec un ami et nous arrivons chez un agriculteur thailandais qui nous donne un peu de riz. Je retourne chercher ma famille et je repasse la rivière de nuit. Le cultivateur nous prépare un nouveau repas et nous montre le chemin pour rejoindre le camps des réfugiés. Il faut encore traverser une immense forêt et nous arrivons chez un chef de commune en Thailande. Nous pouvons rester chez lui pendant 3 jours. Puis il nous indique un faux chemin pour aller au camp. Nous retombons dans les mains des K.r. qui nous ramènent au Cambodge. Cette fois-ci, nous risquons vraiment d'être tués, car les K.r. n'ont presque jamais toléré personne. Nous essayons tout de même de nous enfuir par un autre chemin et nous réussissons à rejoindre le camp. Mais dans ce camp, nous ne pouvont pas nous faire inscrire dans les listes des réfugiés. Nous n'avons donc pas droit à la nourriture et pendant deux mois nous mangeons des restes.

 

Mon arrivée en Suisse : 

 

Le 13 juillet 1979, la délégation suisse arrive au camp. Moi et ma famille sommes inscrits dans leur liste. Le 26 juillet nous sommes transférés au camp de Bangkok et dans la nuit du 27 juillet c'est le départ pour la Suisse où nous arrivons  le 28 juillet 1979  à Zürich. Nous restons deux mois à Courtepin avec d'autres réfugiés pour apprendre le francais. Nous avons eu une chance exceptionnelle d'être pris en considération par la délégation helvétique qui a trouvé une solution à notre sérieux problème. Sinon les soldats thailandais nous auraient repoussé au Cambodge. Plusieurs de nos compatriotes ont été ainsi refoulés dans des régions minées ...

 

Après notre séjour à Courtepin, nous avons trouvé un groupe d'accueil de sept personnes qui sont très bien avec nous, comme aussi les personnes qui travaillent avec moi au centre professionnel de Seedorf.

 

Il nous à été difficile de nous habituer au froid et à la neige, mais le problème n'était pas trop important, car nous avons recu des habits chauds. J'ai encore des difficultés pour la langue francaise. Mes enfants également ont eu des problèmes de la langue à l'école. Mais ils ont de très bons contacts avec leurs camarades fribourgeois qui les ont très bien accueillis.

 

Durant toutes les douleurs et la misère que j'ai dû supporter, dans mon imagination et dans mes rêves, je n'avais jamais prévus que je serais accueilli, un jour ici en Suisse qui représente pour nous une sorte de paradis terrestre. Nous sommes très reconnaissants à tous ceux qui nous ont accueillis avec tant d'amabilité et de coeur.

 

 '' Je lui ai promis juste avant qu'il nous quitte, que je construirais une école

à son nom au Cambodge. En novembre 2001 le cancer a pris mon père. '' Bonny B. 

 

 

FILM DOCUMENTAIRE REALISE PAR LA RTS EN 1981!

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